Évidemment…
Évidemment, il n’est pas question d’évoquer ici les merveilleux cuisiniers professionnels qui mènent leurs restaurants avec estime pour leurs clients et respect des meilleurs produits. Exceptionnellement, nous ne mettons pas aujourd’hui sur le devant de la scène ces chefs qui nous régalent grâce à leur talent, leur courage, leur abnégation devant la difficulté croissante de leurs tâches.
Cela posé et accepté, des constats s’imposent et sans verser pour autant dans un masochisme exacerbé, méritent d’être montrés du doigt. Et à notre avis, un surtout qui n’est que rarement mis en avant car il ne nous avantage pas vraiment, nous autres clients.
Évidemment, la restauration française considérée dans son ensemble n’est plus ce qu’elle a été.
Évidemment, les restaurants appartenant à des chaînes usent des facilités que leur procurent leurs centrales d’achat et l’industrie agro-alimentaire. Ils peuvent ainsi avoir une gestion d’approvisionnement plus serrée, un personnel, de salle comme de cuisine, formé à des fonctions plus limitées, profiter d’un formidable gain de temps au moment d’assembler dans le meilleur des cas, de réchauffer des plats sous-vide ou le plus souvent de décongeler les plats provenant d’un de leurs laboratoires centraux.
Évidemment, les brasseries voisines prétendent ne plus pouvoir s’en sortir avec les méthodes anciennes, le personnel d’antan et les achats aux halles. Le frais n’a même plus cours parce qu’on ne peut plus faire autrement, paraît-il, avec les charges et la TVA qui augmentent sans cesse. L’agencement des nouveaux restaurants ne prévoit même plus le sempiternel évitement du sale et du propre : il n’y a plus de sale qui rentre ! Plus de ces fichues pommes de terre bien nommées, plus de ces pernicieuses salades ensablées et « enlimacées »…
En plus d’une cuisine devenue standardisée et aseptisée, ces restaurateurs français cumulent des tares sans nombre : accueil hautain, service médiocre, additions arrogantes, toilettes indignes… Sans parler des pleurnicheries incessantes d’une poignée de geignards chroniques qui en veulent au monde entier de ne pas pouvoir faire fortune aussi rapidement qu’ils le souhaiteraient et n’arrivent d’ailleurs plus à ouvrir un nouvel établissement tous les deux ans…
Évidemment, on pourrait élargir le champ de la récrimination à l’ensemble du commerce de détail. Peu de vendeurs, dans toutes les branches d’activités, ont la connaissance et l’amour de leur métier suffisants pour vous conseiller efficacement. Ils ne sont là que pour faire du chiffre et ainsi gagner le salaire qui va les faire vivre jusqu’à la fin du mois suivant.
Mais alors, une idée comme ça, comme une supposition mais qui aurait tendance à s’imposer et qui aurait l’avantage de nous laisser une totale faculté d’agir sur ces phénomènes désagréables :
Et si tout était d’abord la faute des clients que nous sommes…?
Et si les « Trente Glorieuses » que certains d’entre nous ont connu avaient donné naissance à une nouvelle race de Français, devenus sans le savoir des consommateurs, des décideurs de leurs propres consommations.
Mais évidemment sont aussi arrivés en cortège les avatars désormais connus d’une liberté inattendue, parfois inespérée. Les profiteurs de la crédulité humaine, les tentateurs patentés d’un marketing naissant et les défenseurs acharnés de notre pouvoir d’achat (lequel n’en demandait pas tant) ont déferlé dans notre quotidien. Jusqu’à aujourd’hui où les « nouveaux consommateurs » ont accepté quasiment sans broncher d’être mal traités voire maltraités, dupés, infantilisés, aveuglés.
Le résultat est extra-ordinaire : notre demande quantitative est exponentielle mais notre exigence de qualité faiblit de plus en plus. Cette qualité minimum requise se trouve désormais au ras des pâquerettes et l’on se contente bien souvent de ce qui était inacceptable il y a peu. La transmission du savoir n’a pas fonctionné et notamment, pour les sujets qui nous intéressent, la transmission du goût est à ce jour un échec flagrant.
La gastronomie française (c’est-à-dire, répétons-le, les repas quotidiens des Français) vient d’être reconnue par l’Unesco au pire moment de son évolution.
Évidemment, en cette période de crise, le client pourra retrouver sa vraie liberté, celle de dire non à ce qui ne lui suffit plus, non aux abus, aux dépassements de l’entendement, aux réglementations qui l’éloignent de ses responsabilités et qui le privent de choisir ce qui est pourtant essentiel à son plaisir et parfois même à sa survie : bien ou mal manger.
Évidemment…
regiani
11 août 2013 @ 14 h 43 min
évidemment en tant que restaurateur je ne partage pas entièrement votre avis …..
évidemment le client est le décideur mais je ne pense pas qu’il soit moins regardant, je pense que les modes de consommation ont changé. Auparavant je voyais des clients scruter une carte en vue d’un plat qui leur faisait plaisir, aujourd’hui je vois des clients scruter une carte en vue d’un prix qui leur convient.
évidemment que pour baisser ses prix il faut baisser ses coûts.
évidemment que pour baisser ses coûts il faut se tourner vers des ratios de main d’oeuvre plus avantageux, mais si moins de personnes travaillent à élaborer des plats, qui va les faire ? bah évidemment que seul l’aggroalimentaire peut palier à cette carence de main d’oeuvre en fournissant un produit fini au prix d’un produit brut, économisant ainsi de la main d’oeuvre.
évidemment que c’est choquant, ça s’appelle de la rationalisation, ce n’est plus de la cuisine, c’est de l’envoyage de plat ….à moins cher.
évidemment en ce qui me concerne le client est responsable, tant qu’il voudra un prix avant un produit.
évidemment tous les clients ne sont pas comme ça, ceci est un simple constat depuis 15 ans à la tête de 4 restaurants (successivement).
Pour moi le client ne choisit pas « bien ou mal manger » mais plutôt « pour combien je mange », la preuve en est l’explosion du marché du snacking (sandwicheries, kebabs, pizzerias etc ….).
gretagarbure
14 août 2013 @ 16 h 16 min
Pour quelqu’un qui « ne partage pas entièrement » notre avis, je suis heureux de ne voir dans vos commentaires que des points d’accord et tout juste quelques variations de ton !
Entre autres: « Pour moi, le client ne choisit pas de « bien ou mal manger » mais plutôt « pour combien je mange ». Eh bien je serais tenté d’ironiser en donnant ma traduction à cette question: « je mange pour peser 100kg à trente ans à force de me gaver sans discernement de hamburgers et de plats tout préparés chargés en gras et en sel » ! C’est aussi ce que nous appelons « mal manger ».
Ou encore: « Tant qu’il voudra un prix avant un produit ». Notre cri est toujours le même: http://gretagarbure.com/2012/11/29/ptit-billet-dhumeur-6/
Merci de votre intervention, le combat continue !
La chronique de Greta Garbure |
1 septembre 2013 @ 7 h 04 min
[…] http://gretagarbure.com/2013/08/11/ptit-billet-dhumeur-26/ […]
Un p’tit goût de revenez-y ! |
28 septembre 2014 @ 6 h 00 min
[…] http://gretagarbure.com/2013/08/11/ptit-billet-dhumeur-26/ […]