C’était vraiment un repas de cochons !
Un mercredi d’une semaine comme les autres, un jour de rien…
Il est 10 heures sonnantes au beffroi, en face des halles de Biarritz. Pas n’importe où : chez Bob, le taulier de la « Galerie de Bob Jourdan. La Cornue-AGA », qui vend les cuisinières les plus belles et les plus chères du monde. Et aussi des affiches rares, des peintures contemporaines, des assiettes qui donnent faim. Également, des rôtissoires d’une folle élégance (c’est marrant, l’élégance est souvent folle !). Assorties à ce que vous voulez, à la couleur de votre pantalon, des palombes, des canettes ou du temps qui passe.
C’est une longe de porc de 4 ou 5 livres qui est en train de tourner sur sa broche, à son rythme préféré, plus « Only you » que « Lambada », et ça lui va bien !
Les convocations se sont faites à l’estime. Pas besoin de phrases ni de bristols ! Les uns après les autres, ponctuels, les conviés arrivent, se saluent, se font civils, encore un peu… Rien que des excités des papilles, des frénétiques du coup de fourchette, des qui se soignent au cochon à la moindre contrariété ou quand ils sont heureux, une bande de radicaux de la cuistance de fin de comice, de quatrième mi-temps triomphante.
Au premier regard, pas d’indice, que des anonymes qui ne feraient pas de mal à une mouche, ça non ! Mais à une blonde d’Aquitaine, sûrement ! On les sent insensibles au cri du gratin de macaronis truffé ou à la mort lente, sept fois programmée de la croûte du cassoulet ! Que des artistes dans leur catégorie : des voraces, des victimes consentantes des faims de loup permanentes et des soifs inextinguibles. Faut dire qu’on a filtré les convocations : pas de chipoteur de gras de jambon, nulle picoreuse de biscottes sans sel à l’horizon. Que du lourd, du robuste, du genre de mec que t’embrasse pas avant de l’avoir nourri… on ne sait jamais ! Et à l’arrivée, c’est beau comme un plateau d’ « Apostrophes », assemblé comme un Grand Cru Classé. Y a la crème de la crème ! Ceux qui ont connu les parents de la bestiasse sacrifiée et transformée : une truie comme on n’en a vu que deux ou trois dans sa vie, une grande dame des bauges et des soues, qui se faisait des portées de 16 comme qui rigole.
Pas besoin de présentation. Ceux qui sont là en sont dignes, forcément.
Et puis il y a moi, l’envoyé spécial de Greta Garbure Magazine, qui ai tenté sans succès de jeûner hier soir.
On sent que dans les minutes qui viennent, va se danser une sacrée « polka des mandibules » comme chantait Pierre Dudan (quelques survivants s’en souviennent peut-être…). Les prothèses traitées au Stéradent® sont sur la ligne de départ. C’est qu’il va y en avoir des arrêts aux stands de ravitaillement ! Aux manettes, c’est-à-dire au couteau du trancheur, voici le cortador de charme Jakès (prononcez Iakèsh), tout droit descendu de son piémont pyrénéen. De Dantcharia pour être précis. La Mecque des contrebandiers d’antan qui se faisaient arrêter la nuit par les douaniers, une brebis autour du cou, et qui faisaient les étonnés en s’époussetant les épaules et en s’exclamant : « Oh ! Sale bête, je l’avais même pas vue ! ». C’est lui qui œuvre. Il nous régale, nous ses poteaux à la réputation établie d’effaceurs de nourritures solides et de liquides de qualité. Car là, on va parler de Qualité avec un gros Q.
Feue la cochonne, 100% porc basque, portait bien ses 200 kilos avec des dents assassines qui dépassaient, qui réclamaient, façon phacochère. Il l’a estourbie cet hiver et nous l’a amenée en pièces détachées !
Terrine de hure à tomber par terre, pâté de goula (gorge) et foie finement aillé et armagnaqué, boudins froids et chauds richement habités, ventrèche grillée…
Par peur de manquer, le charcutier d’Orthez, Pascal Manoux, nous a apporté son andouille légendaire en fines rondelles. Et puis, on a fini par faire son affaire au poulet embroché qui avait doré sous le rôti !
Étrangement, l’appétit était venu en mangeant.
Histoire de s’humecter les amygdales, chacun s’était chargé d’une quille ou deux dans les sacoches. Des pifs plutôt intelligents, ce qui n’est ni la loi du genre ni dans la culture locale. Un joli chardonnay charentais et un quincy joyeux pour les blancs, et puis les inévitables tempranillo de la Rioja, un très beau chinon et des bordeaux dont certains se sont très bien tenus.
Meeeeerde… ! Déjà 15 heures ! Tout est fermé et on a oublié les desserts !
C’était vraiment un repas de cochons !
Saynètes |
3 février 2015 @ 7 h 00 min
[…] * Mais si, vous savez, Jakès : celui qui nous avait régalés avec un de ses précédents pensionnaires…! Comme relaté ici : http://gretagarbure.com/2014/05/05/couenneries-3/ […]