Auguste (*) – Paris
Auguste (*)
Restaurant gastronomique
Paris 7e
Il est toujours triste d’aller dans un restaurant étoilé et d’en ressortir déçu(e). Ça m’a d’autant plus chagrinée qu’à ses débuts, j’aimais bien Gaël Orieux, le maître des lieux. Je l’avais aussi rencontré lors d’un atelier cuisine autour du lapin et j’avais alors beaucoup apprécié sa gentillesse. D’où ma déception.

Depuis ma dernière visite, le cadre a été refait. Très contemporain mais qui ne manque pas de gueule malgré ces sièges bleus caraïbe dont je ne trouve pas la couleur gourmande même si elle est censée évoquer la mer. En tout cas pas celle de la Bretagne (où j’ai vécu) si chère au chef. Cela dit, quand on est assis, c’est moins voyant.
Conviée à un déjeuner de presse en petit comité (6 journalistes et l’attaché de presse) pour tester la nouvelle carte, je reste encore consternée. Parce que les produits sont évidemment d’excellente qualité, le savoir-faire est indubitablement là… mais que c’est compliqué !
Que le show commence !
D’abord l’amuse-bouche de rigueur : une mousseline de chou-fleur agrémentée de quelques œufs de poisson.
L’entrée s’annonce : » Croustillants de langoustines à la verveine, bavarois de betteraves jaunes et réduction de kumquat ». C’est bon et les saveurs sont équilibrées bien que la dictature de la betterave commence à lasser, qu’elle soit rouge, chioggia ou jaune. Plus une table à Paris où elle n’apparaît, sous une forme ou sous une autre. Mais le goût de la langoustine se laisse deviner sous sa carapace frite, c’est l’essentiel.
Néanmoins, le format géant des assiettes (sur une table non nappée) nous donne l’impression d’être revenus à l’avènement de la « Nouvelle Cuisine » et gêne la dégustation même pour attraper ses propres couverts car nous sommes vraiment au coude à coude. Un détail me direz-vous ? Non car lesdits couverts ne sont pas en adéquation et ressemblent quant à eux à des couverts de cantine.


Une deuxième entrée se présente et c’est le fou-rire général. Car cette fois, nos assiettes ressemblent à des aquariums. Il manque juste le poisson rouge ! Il s’agit d’une « Soupe minestrone salicornes et asperges blanches, chantilly d’asperges et crumble au sarrasin ». Et là, je dis non avant même d’avoir goûté ! Car en aucun cas ce n’est un minestrone, mot italien qui veut dire « grosse soupe » et correspond à une recette précise : une soupe de légumes variés coupés en dés avec des pâtes, habituellement parfumée au pistou. Et là, je ne transige pas car j’ai aussi habité en Italie. Alors « minestra » (soupe) à la rigueur mais pourquoi aller chercher une appellation hors frontières pour baptiser un plat qui ne lui ressemble guère ? Je ne comprends pas cette volonté de faire original à tout prix ni cette confusion généralisée.
Au demeurant, la soupe n’est pas désagréable quoique un peu salée (sans doute à cause des salicornes) même si adoucie par la Chantilly et customisée avec quelques feuilles d’oxalys. Mais rien de bien folichon.


Arrive maintenant le plat : « Turbot, raviole laquée au vieux parmesan, juliennes, bouillon au lait de coco ». Malheureusement le parmesan domine et mon turbot est très sec. La julienne (de poireau) n’arrive pas à réveiller l’ensemble ni le bouillon de coques dilué par la noix de coco façon espuma. Que j’eusse aimé un turbot cuit à la nacre et sa fondue de poireaux ! Là, je me serais vraiment crue en Bretagne.

Nous avons évité les fromages, systématiquement servis avec de la confiture ou une pâte de fruits. Nouvelle faute de goût qui essaime sur toutes les tables, sauf peut-être au Pays basque où cette coutume (bien moins répandue qu’on ne le croit) datait du temps où il n’y avait pas de sucre (donc pas de dessert hormis les jours de fête) dans les campagnes.
Le dessert s’appelle « « Comme » un mille-feuille parfumé à la fève de Tonka » et j’apprécie le « comme » entre guillemets car effectivement, il y a bien un socle en feuilleté très cuit (c’est d’ailleurs une nouvelle tendance en restauration), de la crème (mais pas pâtissière), un voile transparent sur le dessus et des fioritures : meringues, sorbet à l’aneth, mais on est loin du mille-feuilles traditionnel. Toutefois, c’est frais et léger.

Sur ce repas, nous avons bu un viré-clessé 2014 de la Maison Trenel (donc d’avant son rachat par Chapoutier) qui se laissait boire. D’une certaine manière, on peut dire que les notes typiques de fleurs blanches et les arômes d’agrumes (pamplemousse) et de fruits exotiques (fruit de la passion, mangue) de ce vin trouvaient un relais dans les plats qu’il accompagnait.

Et de l’eau anglaise ! Aïe, avec le Brexit, les prix ne vont pas tarder à flamber…
Impression mitigée donc, suite à ce déjeuner très herbacé et très crémeux. Pourquoi tous ces chichis alors que le chef est un amoureux de la Bretagne et que des recettes plus sobres mettraient mieux en valeur les produits de la mer qu’il met en exergue ? Idem pour cette vaisselle qui joue l’épate. À moins que ce ne soit le « vintage » mais alors, c’est raté. Et pourquoi utiliser des appellations qui correspondent à d’autres recettes et induisent le client (certes cultivé) en erreur pour la nomenclature des plats ?
Puisque le restaurant s’appelle « Auguste », j’aimerais rappeler cet aphorisme plein de sagesse du grand Auguste Escoffier : « Jamais plus de trois saveurs dans un plat ! ». Je partage entièrement cet adage et déplore qu’on fasse de plus en plus souvent de la » mixologie » en cuisine. Trop de goûts tue le goût !
C’est d’autant plus dommage que les prix ne sont pas si exorbitants pour le quartier (beaucoup d’hommes politiques et de déjeuners d’affaires le midi, des riverains et des touristes le soir) et que la formule déjeuner est attractive.
En revanche, ceux de la carte des vins — dont la composition est recherchée — sont astronomiques puisque le premier prix de vin rouge est à 53 €. Les prix d’achat des bouteilles couramment multipliés par cinq nous restent toujours en travers de la gorge, même si nous prenons en compte les frais financiers qu’il faut bien supporter si l’on veut boire des vins qui ne sortent pas toujours de leurs berceaux.
Allez hop, un café pour finir. Et comme me fait remarquer mon voisin, il est hélas lui aussi servi dans une tasse à la sous-tasse très kitsch qui ne donne pas l’impression d’être dans un restaurant étoilé.

Alors certes, vous allez me trouver sévère. Mais j’assume ! Les restaurants étoilés sont la vitrine de la France et je trouve désespérant de ne plus se souvenir du repas qu’on y a pris au bout de huit jours à peine tellement c’était confusionnel ! Il y a des tables où j’ai mangé il y a vingt ans ou plus et dont je me rappelle toujours tout par le menu.
Blandine Vié
Auguste
54, rue de Bourgogne
75007 Paris
M° : Varenne
Tél : 01 45 51 61 09
Fax : 01 45 51 27 34
Courriel : contact@restaurantauguste.fr
Fermé samedi et dimanche.