« L’âme du vin ! »
« La nuit a toujours le goût du vin rouge, du beaujolais de préférence, c’est une opinion toute personnelle d’accord, mais je ne peux pas entrer dans un bistrot ouvert le soir, sans qu’immédiatement mon verre soit là, servi sur le zinc. Dans des cas semblables, le vin rouge a une importance énorme. Les vrais buveurs de vin rouge se retrouvent toujours la nuit, personne n’a jamais pu en expliquer la raison.
L’ « âme du vin » au fond n’est pas tellement une rigolade, c’est mieux que ça, comme un trait d’union entre deux hommes, une sorte de rite secret, de prière, jamais à sens unique. Certes, il y a des castes, des catégories, des grades si l’on veut, toute une hiérarchie de buveurs, ceux qui le sont, ceux qui y viennent, ceux qui y restent, tout cela mêlé, juxtaposé, groupé, retrouvé sous un uniforme sans couture, sans galon, mais de couleur toujours identique. Le vin est l’uniforme d’une sorte de légion de la grande ville — en argot un litre s’appelle aussi un légionnaire, c’est tout dire. »
Lu dans « Le vin des rues » de Robert Giraud, Éditions Denoël, 1955
Morceau choisi par Blandine Vié