L’Aligoté : le bourgogne de l’été
L’aligoté ou aligot — à ne pas confondre avec la célèbre purée filante à la tome fraîche de Laguiole ! — est un cépage bourguignon (issu du croisement entre le gouais et le pinot noir) dont il ne reste plus beaucoup de parcelles dans le vignoble éponyme, aujourd’hui essentiellement voué au chardonnay et au pinot noir.
Il a longtemps eu la réputation de ne produire que des petits vins blancs sans grand intérêt. Pire, pour écouler les excédents de ces vins et pour alléger le budget de sa mairie (Dijon) — DÉJÀ ! —, le chanoine Kir (qui en fut maire de 1945 à 1968) remplaça le traditionnel mousseux des cérémonies par un vin blanc-cassis (1/4 de crème de cassis, ¾ de bourgogne aligoté) qu’il baptisa (normal pour un chanoine) tout simplement (ou tout crânement) « kir » et qui devint très vite un apéritif très populaire.
Mais les temps ont changé, le kir a gardé sa bonhomie mais perdu de l’allant et le bourgogne aligoté sait nous prouver aujourd’hui qu’il est bon à autre chose qu’à allonger de la liqueur de cassis !
Nous avons pu en faire la constatation lors d’un déjeuner de presse aux Climats (41 rue de Lille, Paris 7e), ce restaurant dédié aux vins de Bourgogne que nous vous avons déjà évoqué à plusieurs reprises : http://gretagarbure.com/2015/01/20/bonne-table-ou-evitable-15/
Gros plan donc (sans jeu de mots) sur quelques bouteilles de l’appellation avec une dégustation apéritive de 6 domaines, puis de six autres pour accompagner le repas, sous l’égide de Franck-Emmanuel Mondésir, sommelier du restaurant.
Pour commencer, se suivent et ne se ressemblent pas forcément :
— le bourgogne aligoté 2014 domaine Fichet, sec et fruité, équilibré et basique. Prix public départ cave : 6 €.
— le bourgogne aligoté 2014 de Joseph Drouhin, jaune pâle à reflets verts, avec un nez acidulé et beaucoup de fraîcheur en bouche voire une légère touche de pierre à fusil. Standard mais très plaisant, précisément à l’apéritif (avec des petites gougères). Prix public départ cave : 9,30 €.
— le bourgogne aligoté 2013 domaine Maillard Père et Fils, typique et vif mais qui ne fut pas mon préféré. Prix non communiqué.
— le bourgogne aligoté « Les Moutots » 2013, Maison Jean-Claude Boisset, très différent des autres, avec une robe or, un nez d’agrumes et de fleurs blanches et une bouche vive où l’on retrouve les agrumes et une pointe de noisette. Pour moi, pas un vin d’apéritif. Prix public départ cave : 8,50 €.
— le bourgogne aligoté 2013 Bailly-Lapierre, plus épicé. Pas non plus un vin d’apéritif à mon sens. Prix public départ cave : 6,50 €.
— le bourgogne aligoté « Les Aures » 2013, domaine Guillaume Baduel, à l’aromatique épicée, avec une finale amère en bouche. Un vin que j’aurais plutôt vu sur table en accord avec certains plats susceptibles de tempérer cette amertume (pas désagréable mais trop affirmée à l’apéro à mon goût). Prix public départ cave : 9,80 €.
Mais il est temps de passer à table, avec ce menu :
Le thon est une jolie surprise et le bourgogne aligoté 2011 Chevalier Père et fils — domaine dont personnellement j’adore le Ladoix — et le bouzeron 2012, domaine Gagey, maison Louis Jadot l’escortent avec finesse.
Notons que le « bouzeron » est la seule appellation village — elle date de 1998 et les vignes ne couvrent que 47 hectares — produite avec de l’aligoté. Celui de la Maison Jadot présente la particularité d’être vieilli en fut de chêne pour 30%, ce qui lui apporte un peu de rondeur sans prédominance du boisé. La pêche de vigne se laisse deviner. Prix public départ cave : 12,60 €.
Le Chevalier a un joli nez d’agrumes, la bouche est fraîche et douce, citronnée. Prix public départ cave : 7 €.
Avec sa garniture de gnocchi et de girolles, la longe de veau me fait penser à un plat du dimanche dégusté chez sa mémé, allez savoir pourquoi ? Elle est accompagnée par un aligoté 2014 du domaine Michel Sarrazin et Fils qui a été carafé. Sec et fruité, il a une jolie rondeur en bouche. Il me plaît beaucoup. Prix public départ cave : 7 €.
Le second vin est un aligoté 2014 de chez Albert Bichot qui présente des notes des arômes de fleurs blanches. Frais, minéral et nerveux, il est agréablement rafraîchissant. Prix public départ cave : 12 €.
Pour clore ce repas — puisqu’aucun dessert n’est prévu, initiative que j’approuve… mais qu’en aurait pensé Patrick ? — une assiette de chèvres — pas d’Époisses ? — nous est proposée, flanquée d’un aligoté « Tilleul » 2010 du domaine Chevrot et Fils et d’un aligoté 2013 du domaine Jean-Christophe Perraud. Au nez, il a des arômes de pêches blanches et effectivement de tilleul avec des notes de jasmin, de gingembre, de menthe et de rose. En bouche il est très minéral avec une belle structure et une finale citronnée. Le fromage lui va bien mais sa puissance pourrait affronter d’autres partenaires. Prix public départ cave : 13,50 €.
Quant au Perraud, il est complètement sur la fraîcheur, peut-être un peu trop pour le fromage. Prix public départ cave : 8 €.
Un repas qui a le mérite de nous avoir fait redécouvrir une appellation à l’image un tantinet franchouillarde, qui n’est peut-être pas l’appellation bourguignonne à laquelle on pense d’emblée eu égard aux crus mythiques dont elle regorge mais qui, sur une cuisine franche, sur des huîtres, sur des plats bon enfant à servir l’été au jardin, est tout à fait sympathique.