L’emblématique recette du salmis de palombes
Recette traditionnelle pour accommoder le gibier à plumes, le salmis conjugue deux techniques de cuisson puisque qu’on commence par rôtir les oiseaux partiellement et qu’après les avoir partagés pour en prélever les parties nobles, on prépare un fond de cuisson avec les carcasses et les peaux, fond dans lequel on réintroduit ensuite les oiseaux après chinoisage, dans le but de finir de les cuire par braisage, ce qui donne une sauce onctueusement veloutée, mais une viande encore juteuse.
Si les palombes sont fraîchement tuées, il faut les faire rassir quelques jours — mais sans les laisser faisander — puis les plumer, les vider en réservant les abats (cœurs et foies) et les brider.
Au pays, on a coutume d’en « sacrifier » une de plus (c’est-à-dire de la couper en morceaux) spécialement pour la sauce !
La recette
Préparation : 45 min
Cuisson : 1 h 30 min
Pour 8 personnes :
• 5 palombes légèrement rassises, plumées, flambées et vidées, avec leurs abats (cœurs et foies)
• 200 g de jambon cru de pays
• 2 cuillerées à soupe de graisse de confit
• 2 oignons
• 2 carottes
• 4 échalotes
• 1 cuillerée à soupe bombée de farine
• 1 petit verre d’armagnac (5 cl)
• 1 bouteille de vin rouge (madiran)
• 50 cl de bouillon de volaille dégraissé
• 1 tomate
• 2 gousses d’ail
• 1 bouquet garni (thym, laurier, branchette de céleri, persil plat)
• 200 g de champignons de Paris
• 70 g de beurre
• 1 citron
• petits croûtons frits
• sel fin, poivre du moulin
Bridez quatre palombes (les plus belles et les plus jeunes) et partagez la dernière en morceaux.
Préparez un hachis avec les oignons, les carottes, les échalotes et le jambon.
Faites fondre la graisse dans une cocotte, faites-blondir le hachis puis faites-y revenir la palombe en morceaux de tous côtés. Quand ils sont bien dorés, poudrez-les de farine, mélangez sans laisser roussir, flambez avec l’armagnac enflammé jusqu’à l’extinction des flammes, puis mouillez avec le vin rouge et le bouillon.
Ajoutez encore les cœurs des cinq oiseaux, la tomate pelée, épépinée et grossièrement concassée, les gousses d’ail pelées et légèrement écrasées, le bouquet garni, du sel et du poivre. Mélangez, couvrez, laissez mijoter pendant 1 heure sur feu doux, à tout petit frémissement.
Pendant ce temps — mais pas trop tôt — préchauffez le four à 210 °C/thermostat 7.
Disposez les palombes dans un plat à four avec 30 g de beurre, salez et poivrez-les intérieurement et extérieurement, enfournez-les à mi-hauteur et faites-les rôtir « vert cuit » — c’est-à-dire presque saignantes — pendant 20 à 25 minutes selon leur taille.
Par ailleurs, épluchez les champignons, coupez-les en quatre s’ils sont gros et faites-les étuver dans une casserole avec 20 g de beurre et le jus du citron. Réservez.
Quand la sauce a mijoté suffisamment longtemps, retirez les morceaux de palombe et plongez les foies dans la sauce, juste pour les saisir.
Dépiautez les morceaux de palombe pour éliminer tous les os, ôtez le bouquet garni puis passez la sauce et les foies à la moulinette et au chinois et en foulant au pilon pour récupérer tous les sucs afin d’obtenir une consistance veloutée. Versez de nouveau la sauce dans la cocotte et rectifiez l’assaisonnement.
Partagez les palombes rôties en deux ou quatre selon leur taille, en récupérant le jus qui s’écoule. Enfouissez-les dans la sauce avec leur jus, ainsi que les champignons (sans la sauce cette fois). Faites mijoter pendant 10 minutes à peine, sur feu le plus doux possible, juste pour réchauffer : la sauce ne doit surtout pas bouillir.
Pour servir, transvasez le salmis de palombes dans un plat de service creux et chaud et garnissez avec des petits croûtons frits au beurre ou, mieux encore, à la graisse d’oie.
Un peu de bla-bla :
— Quelquefois, on n’incorpore pas les foies à la sauce mais on les pile et on étale la purée obtenue sur des petites tranches de pain de campagne séchées au four dont on garnit le plat à la place des croûtons. Mais dans ce cas la sauce peut se révéler trop liquide. Épaississez-la alors avec un peu de beurre manié (mélangé avec de la farine) que vous incorporez par petites noisettes en fin de cuisson.
— Si on ne veut pas sacrifier une palombe pour la sauce, on peut d’abord faire rôtir les palombes — toujours « vert-cuit » —, les partager en deux ou en quatre, retirer les carcasses et les peaux (tout en réservant les palombes) et préparer la sauce avec ces parures. Mais le fait de pré-cuire les palombes longtemps à l’avance les dessèche un peu.
— Un peu tombé en désuétude, le terme « vert-cuit » s’emploie pour le gibier, notamment le gibier à plumes. Comme le précisait déjà Escoffier dans son « Guide culinaire » (1938), cela correspond à une cuisson bleu saignante.
— La saison des palombes étant aussi celle des cèpes, on remplacera avantageusement les champignons de Paris par une fricassée de cèpes (voire d’autres champignons des bois), incorporée au salmis ou servie à part.
— Si vous disposez d’une belle quantité de palombes, je ne vous conseille pas de faire du salmis en conserve car elles sont alors toujours trop cuites et sèches — donc décevantes — à la dégustation. Car le salmis n’est pas un civet et les palombes (ou toute autre bestiole) ne doivent pas être trop cuites. En revanche, je vous conseille vivement de préparer le fond de sauce à salmis avec les plus vieilles et de le stériliser en bocaux tandis que vous congèlerez les oiseaux plus jeunes. Ainsi, au moment opportun (les fêtes par exemple), vous n’aurez plus qu’à accommoder vos palombes surgelées en salmis avec votre sauce en conserve. Ce sera bien meilleur !
— Naguère, on servait traditionnellement le salmis de palombes avec la cruchade ou l’escoton (sorte de polenta de maïs) mais aujourd’hui, on a tendance à l’accompagner plutôt avec des pommes de terre sautées.
Mais moitié pommes de terre, moitié cèpes… c’est bien aussi !