Bouillon Chartier : le petit dernier de la famille
Un peu d’histoire
Fils spirituels de Pierre-Louis Duval, boucher qui avait eut en 1860 l’idée de servir à très bon compte dans un local attenant à sa boucherie une soupe roborative à base des bas morceaux pour les forts des halles, les frères Camille et Frédéric Chartier sont à l’origine du concept bouillon basé sur une idée simple et efficace : offrir un repas de qualité à petit prix. Ainsi est né en 1896 le premier et gigantesque « Bouillon Chartier » situé rue du Faubourg Montmartre, que ces frères généreux avaient paré d’un magnifique décor Art Déco, car ils ne voulaient pas que repas à petit prix ne rime avec cadre misérabiliste.
Véritables acteurs de « la culture brasserie » et déjà à la tête de nombreuses institutions parisiennes, Gérard et Christophe Joulie (groupe Joulie) n’ont pas voulu que l’esprit Bouillon disparaisse.
En 2007, ils ont repris le Bouillon Chartier Grands Boulevards alors tombé en désuétude avec « seulement » quelques centaines de clients au quotidien, pour en refaire une adresse incontournable à Paris, rajeunie et servant désormais chaque jour plusieurs milliers de couverts. On peut notamment y déguster les emblématiques œufs mayonnaise (2 €). Puis, en 2019, la famille Joulie a ressuscité le bouillon Chartier Montparnasse et son superbe décor Art Nouveau.
La famille Joulie avait aussi dans son portefeuille d’établissements l’ex brasserie Strasbourgeoise, face à la gare de l’Est qu’elle avait rebaptisée Batifol après que Pierre Canot en eut complètement refait le décor dans un esprit très brasserie traditionnelle : grand comptoir en zinc, banquettes de cuir bordeaux, chapelières en laiton doré, chaises en bois, grandes plantes vertes et objets vintage comme deux grands phonographes, des caisses enregistreuses d’époque, ainsi qu’un standard téléphonique datant du temps du sketch du 22 à Asnières interprété par Yves Montand et Simone Signoret. Le confinement a eu raison de l’enseigne qui, après la réfection des cuisines, vient de devenir le quatrième Bouillon Chartier. La grande salle à manger (180 couverts) est tout de même fragmentée en petits îlots pour ne pas faire cantine. Bref on est bien dans le jus avec des serveurs habillés de noir portant un long tablier blanc, à l’ancienne.
Notre repas
Bien installés dans un petit coin, avec l’un de mes fidèles commensaux, nous avons d’abord pris une demi-bouteille de blanc Buzet AOP Les Vignerons de Buzet (7 €) en apéritf, histoire de prendre notre temps pour étudier la carte. Nous avons finalement choisi pour commencer deux entrées typiques des chariots de hors-d’œuvre d’autrefois : l’œuf dur mayonnaise (2 €) et le céleri rémoulade (2,70 €). Retour aux années 50. Classique, sans toutes les fioritures dont on l’affuble désormais un peu partout avec une pompe souvent abusive, l’œuf mayonnaise a su rester ici humble et populaire, tout simplement bon. Quant au céleri rémoulade, il était parfait, râpé ni trop gros ni trop fin, mêlé d’une sauce à l’assaisonnement juste comme il faut, pas trop grasse comme il arrive parfois. Nerveux et équilibré avec une jolie finesse de mâche, ce fut un vrai régal.
Pour le plat, mon camarade a flashé sur le canaille Pied de porc « Félicie » grillé (11,50 €) accompagné de frites dont nous n’avons pas réussi à élucider le mystère du prénom — la spécialité d’une cuisinière d’autrefois ? — mais qui, heureusement n’avait pas de poils sur sa papatte. Après plusieurs hésitations, j’ai quant à moi fini par me décider pour la Pièce de boucher sauce au poivre (12,20 €), également accompagnée de frites. Le pied a bien tenu ses promesses. Surprise pour moi d’une sauce au poivre vert très agréable (mais cela devrait être mentionné sur la carte car on s’attend à la classique sauce au poivre noir mignonnette) et petite déception car j’avais compris « pavé » au lieu de « bavette » qui n’est pas mon morceau préféré car je le trouve trop nerveux. Mais très correct cependant.
Sur ce repas, nous avons bu une bouteille de Touraine Gamay AOP de chez Henry Marionnet (18 €), vin gouleyant à souhait sur ce type de cuisine.
Enfin, pour les desserts, nous nous sommes mis d’accord pour un peu de douceur avec un chou à la crème pour mon partenaire et un baba au rhum pour moi, gâteau dont je suis complètement baba et auquel je ne résiste jamais.
Bon, ne boudons pas notre plaisir, nous avons passé un moment agréable, le service était aux petits soins, la nourriture bonne pour un prix plus que raisonnable. Nous avons donc passé une bonne soirée à tous points de vue. Que demander de plus ?
Bouillon Chartier
5 rue du 8 mai 1945 (face à la gare de l’Est)
75010 Paris
M° Gare de l’Est
Ouvert tous les jours en continu de 11 h 30 à 00 h.
www.bouillon-chartier.com
Invitation d’un attaché de presse.