Semaine du goût (2)
Miam… c’est bon ! Beurk… c’est pas bon !
Peut-on être objectif en matière de goût ?
Vous l’aurez sans doute remarqué, quand on apprécie le goût de quelque chose, d’un aliment ou d’un plat, on dit presque toujours « c’est bon » plutôt que « j’aime » !
Pourtant, c’est son avis à soi que l’on exprime. Son goût à soi. Qui est forcément différent de celui du voisin. Parce que lié à sa propre histoire, aux habitudes alimentaires de l’enfance (grand-mère et/ou mère qui cuisinait bien, souvenirs désastreux de cantine, découvertes de vacances, etc.), à son style de vie, à la manière dont soi-même on se nourrit (belle restauration, restaurant d’entreprise, fast food, conserves, produits nobles, surgelés, sandwiches, etc.). Car chacun a ses propres comparatifs et il n’y a pas d’orthodoxie du goût.
Ainsi l’un aimera le sucré plus que le salé — et ce n’est pas forcément une opposition masculin/féminin —, un autre ne supportera pas l’amer, un troisième détestera l’acide.
Ou pour donner un exemple plus précis, l’un adorera les huîtres qu’un autre ne pourra pas avaler et même parmi ceux qui les aiment, il y a ceux qui vont préférer les creuses, ceux qui ne vont jurer que par les plates, ceux qui vont privilégier une provenance, etc. etc.
Mais en fin de compte, il ne s’agit que de préférences. Car le goût étant unique, il ne peut pas être universel.
Pourtant ne confondons pas : avoir un goût propre ne signifie pas qu’on ne se soit pas capable de juger un plat : quand une sauce est ratée, quand une viande est mal parée, quand elle est dure et sèche, quand un restaurateur prend des pleurotes pour des girolles (anecdote véridique), quand on vous sert des fraises en janvier, c’est le savoir-faire (donc une forme de technique) que l’on juge. Indépendamment du goût qui reste subjectif. Le tout, c’est d’argumenter sa critique et de ne pas se contenter de dire « c’est pas bon ».
Selon Gérard Genette, théoricien de la littérature (né en 1930), qui a beaucoup écrit sur le jugement esthétique, mais aussi sur les critères de jugement par rapport au vin :
« En matière de goût, il n’y a aucune norme. L’appréciation relève de chacun. (…) Le goût n’est qu’une question
de préférence personnelle, et rien, aucune norme, aucune
règle, aucun juge, ne peut le déterminer. (…) Il est certes possible d’argumenter sur la qualité d’une oeuvre, mais nullement sur le plaisir qu’elle procure. Je puis bien, par conformisme, snobisme, honte, me ranger à l’avis d’autrui ; mais cela relève d’une attitude insincère. Que mon appréciation change au cours du temps (fût-il court) est fort possible, voire probable, mais dans l’instant, mon plaisir est mien, et rien ne peut le priver de sa légitimité. »
Une création culinaire pouvant s’apparenter à une œuvre.
L’objectivité consiste donc à « goûter » en étant le moins influencé possible par des critères pervers : entourage, mode, mimétisme, etc.
D’autant que le goût d’un individu évolue avec le temps. À cause des changements d’habitudes : par exemple quand on se marie et qu’il faut s’habituer aux goûts de l’autre, si l’on va vivre à la campagne ou au contraire en ville, si on voyage beaucoup, si on change de niveau de vie, etc. Et aussi en vieillissant : ainsi beaucoup de personnes âgées ont une appétence pour le sucré qu’elles n’avaient pas forcément auparavant !
Enfin, notre goût est aussi tributaire de notre humeur. On sait la fragilité du goût que nous affirmons un jour et pouvons renier ou relativiser dès le lendemain. Nos engouements nous caractérisent mais nous sommes pluriels : « Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie ! » En fait, François 1er n’était pas le mieux placé pour reprocher aux dames le péché d’inconstance !
Ce sont nos humeurs qui nous dirigent au moins autant que nos convictions ou nos fidélités aux engagements passés. Alors il devient étrange de constater l’énergie que nous dépensons pour défendre des choix qui, objectivement, pourraient être tout autres si… si… si…
Brizou
15 octobre 2013 @ 13 h 37 min
Il fut un temps où plus jeune, j’hésitais à révéler certains de mes goûts, car je savais qu’ils n’étaient pas dans l’air du temps, non-conformes à ce que recommandaient les chefs, oui on peut parler de honte.
Et pourtant – si je ne prends qu’un exemple – alors qu’on prônait le vin rouge avec certains fromages, je me régalais en les accompagnant de vin blanc….
Un jour que je me confiais à un ami, nous avons découvert que nous avions en commun un certain nombre d’ « hérésies » et nous avons décidé de les affirmer, sans plus jamais tenir compte de l’intégrisme de quiconque.
J’aime vous lire, je mets parfois le lien de votre blog sur le site Marmiton sur lequel je suis inscrite, c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui
Amicalement
Cléophée
gretagarbure
16 octobre 2013 @ 6 h 48 min
Merci Cléophée.