Les Fables de la Fontaine * – Paris
Les Fables de la Fontaine *
Cuisine créative de la mer
Paris 7e
Dans le nid à restaurants que constitue la rue Saint-Dominique entre l’avenue Rapp et la Tour Eiffel, nous avons récemment testé « Les Fables de la Fontaine », ainsi baptisé parce qu’il donne sur la petite placette de la Fontaine de Mars. Non loin de chez Christian Constant qui l’a d’ailleurs créé il y a quelques années. Il y avait placé David Bottreau (son second pendant 6 ans au Violon d’Ingres) qui y a décroché une étoile. Et puis, le lieu a fait peau neuve et David Bottreau en a confié les rênes à Julia Sedefjian, son ex-seconde âgée de 21 ans. Ensemble, ils ont revu l’identité du restaurant pour proposer une cuisine beaucoup plus abordable (un tarif revu d’environ 50% à la baisse) tout en restant dans le registre des poissons et des crustacés à quelques exceptions près. Et les produits nobles (soles, homards, etc.) sont désormais en suggestion hors menu. La carte fait aussi la part belle aux poissons parfois oubliés : le haddock, l’aile de raie, le lieu jaune, etc.
Pour commencer, notre choix s’est porté sur une intrigante « Salade niçoise de mon apprentissage » (16 €) et un « Caviar d’aubergine aux huîtres de Marennes, gelée et tartare de kiwi, citron caviar » (16 €). En les attendant, nous grignotons un morceau de focaccia à la crème de fromage de chèvre avec du beurre au poivre. Nous trouvons ce dernier absolument épatant et ça change des propositions habituelles. Mais les assiettes arrivent !
À première vue la salade niçoise est très déstabilisante : gelée de tomate (qui tient plus du coulis), anchois, oignon rouge, thon cru (dans la recette classique, on ne panache jamais les deux), pousses de moutarde, chips d’artichaut (insolites ou incongrus ?), concombre, câpres (pas d’olives) et désormais incontournables rondelles de radis qui, d’un bout de la France à l’autre parsèment tous les plats (même de terroir) avec leurs copines les rondelles de navets. Le problème des appellations détournées (même si la mention « de mon apprentissage » annonce un peu la couleur), c’est qu’on ne mange pas ce qu’on s’attendait à manger et que forcément, on est déçu. Plus ou moins. C’est ce qui se passe avec ce plat où tous les ingrédients sont de qualité mais où, gustativement, l’ensemble fonctionne moyennement. Surtout, très abondant, le coulis légèrement gélifié (1/2 feuille de gélatine pour 50 cl de jus nous précise-t-on) noie les autres saveurs.
Pour ceux qui souhaiteraient réviser leurs classiques, c’est là :
http://gretagarbure.com/2014/06/04/plats-mythiques-21/
Le caviar d’aubergine aux huîtres de Marennes — ou le contraire ? — a fière allure ! Le dressage est effectivement somptueux. C’est bon et rafraîchissant même si là encore, dominés par l’huître, les goûts des différents ingrédients (aubergine, gelée de kiwi, perle de vinaigre balsamique, feuilles d’ortensia dites feuilles d’huître) se confondent plus qu’ils ne se relayent. Mais ça reste plaisant.
Pour les plats, nous avons jeté notre dévolu sur un « Effiloché d’aile de raie, poêlée d’épinards, câpres et émulsion de céleri aux agrumes » (23 €) et un « Aïoli de lieu, petits légumes de saison glacés, huile d’olive de la lagune » (24 €) car nous apprécions la démarche de valoriser des poissons délaissés qui évoquent nos souvenirs d’enfance. Peut-être que c’est là où le bât blesse car la mémoire du goût est celle qui forme notre palais et nous sert de référence.
L’aile de raie est malheureusement trop cuite et par le fait même un peu sèche. Mais les épinards sont parfaits. En somme, la raie est moins charnue et moins appétente que celle que faisaient nos mères mais les épinards sont meilleurs !
Bien que revisité, l‘aïoli est très réussi et la cuisson du lieu à la nacre parfaitement maîtrisée. Curieusement, le directeur de salle nous explique que lui, il n’aime pas quand c’est cuit comme ça. La déclinaison de petits légumes (romanesco, chou-fleur violet, carotte, oignon, artichaut, céleri, cébette, navet, pommes de terre) est amusante et gourmande, très goûteuse. Mais que viennent faire là les quatre pastilles de gelée de betterave ? L’aïoli est quant à lui urbain, je veux dire suffisamment doux pour ne pas incommoder son/sa partenaire si la soirée se prolonge !
Sur ces assiettes marines, nous avons bu un torrontès argentin de Cafayate (maison Etchart) 2014 : floral au nez et gras en bouche, pas un modèle d’équilibre mais dès la deuxième bouteille, on doit pouvoir se prendre pour de très honnêtes danseurs de tango. 6 € le verre, 12 € les 25 cl et 24 € les 50 cl.
Un assez joli Viré-Clessé 2013 du domaine Michel — que Greta Garbure connaît bien — fait honneur à son cépage : le chardonnay y est joliment traité. 11 € le verre, 22 € les 25 cl et 44 € les 50 cl.
Le viognier « La Violette » (Terroirs du Vent 2014 par Jean-Luc Colombo) a fait son viognier… très (trop ?) aromatique, « sûr de lui et dominateur » aurait dit le Général. 7 € le verre, 14 € les 25 cl et 28 € les 50 cl.
Et si l’on passait au sucré ?
Ce sera un « Sablé breton, crème et sorbet citron, meringues au poivre » (10 €) et un « Jubilé de cerises au pain d’épices, dragées et glace verveine, pistache » (13 €) où les cerises sont remplacées par des pêches de vigne, saison oblige (on est début septembre). Et là : éblouissement ! Le biscuit est véritablement sensationnel, plein de contrastes mais en toute harmonie avec beaucoup d’équilibre, dans les saveurs comme dans les textures.
Le jubilé est également d’une exquise gourmandise, un dessert de fin d’été tout en douceur.
Résumons ! N’oublions pas que Julia Sedefdjian n’a QUE 21 ans. Son talent est donc tout à fait prometteur. Mieux, reconnaissons qu’il est de son âge de s’essayer à toutes les modes culinaires en vigueur pour trouver son style. Mettons ça sur le compte de la curiosité et non de tics grégaires. Il y a peut-être un peu trop de complications dans ses assiettes mais beaucoup de travail et nous ne doutons pas que son style va joliment s’épurer. À suivre, donc.
Invitation d’une attachée de presse.
Blandine & Patrick
Les Fables de La Fontaine
131, rue Saint-Dominique
75007 Paris
Ouvert 7/7 jours midi et soir.
Tél : 01 44 18 37 55